OUTILS

Meilleures pratiques

Les instruments identifiés au Canada traitent d’une grande diversité de thèmes et d’enjeux qui peuvent se présenter dans le cadre d’un projet de recherche.

L’analyse du corpus de plus de 120 instruments éthiques développés au Canada depuis 1992 nous ainsi permis d’identifier 26 thèmes récurrents. Cette liste n’est pas exhaustive et peut être complétée selon les besoins et intérêts des individus et groupes impliqués.

Pour chacun des thèmes identifiés plusieurs approches sont mobilisées au sein des instruments. Parmi ces approches, il est possible de déterminer les meilleures pratiques. Celles-ci peuvent être identifiées grâce à quatre indicateurs d’une recherche équitable que nous ont dégagés à partir d’une analyse de la littérature dans ce domaine : la transparence, la participation des communautés, l’hybridation des échanges et le partage des pouvoirs de décision.

Phase de définition du projet et de recueil du consentement

  • La participation des communautés et de leurs membres à l’élaboration du projet de recherche
  • Le maintien du consentement
  • L’évolution des paramètres du projet
  • La remise en cause du consentement
  • L’avenir des données en cas de retrait des participant.e.s
  • Usage des langues

Phase de collecte, analyse des données et préparation des résultats

  • Participation lors de la phase de recueil et d’analyse des données
  • Emploi et formation
  • Usages secondaires
  • Transferts à des tiers
  • Respect de la confidentialité
  • Soumission des données
  • Droits découlant de la soumission des données
  • Inclusion des points de vue divergents
  • Approbation des données/résultats
  • Usage des langues

Phase de diffusion et de valorisation des résultats

  • Restitution des données
  • Restitution des résultats
  • Adaptation des retours
  • Usages des langues
  • Reconnaissance de la contribution des participant.e.s
  • Droits sur les données collectées durant le projet de recherche
  • Droits sur les résultats et les produits de la recherche

Thèmes transversaux

  • Mécanismes de suivi au cours des projets
  • Mécanismes de règlement des conflits en cours de projet
  • Reconnaissance des cadres et normes autochtones
  • Mécanismes de règlement des conflits entre les normes autochtones et universitaires

Quels sont les piliers d’une recherche équitable ?

Dans le cadre d’une recherche équitable, les autochtones sont considérés comme des partenaires partageant une perspective originale et complémentaire à celle des chercheurs scientifiques. Les détenteurs de savoirs disposent de pouvoirs leur permettant de contrôler la circulation de leurs savoirs au cours des différentes phases des projets de recherche. Ceci implique pour les communautés et les détenteurs concernés un pouvoir de décider de leur participation à un projet et de disposer de pouvoirs de décision équivalents à ceux des chercheurs.

Les caractéristiques d’une telle approche sont la transparence, la participation des communautés, l’hybridation des échanges et le partage des pouvoirs de décision.

Transparence : Les communautés autochtones et leurs membres sont informés de la manière la plus complète possible tout au long des projets afin qu’ils puissent prendre des décisions éclairées.

Participation : La participation des communautés au cours des différentes phases de la recherche leur permet de s’impliquer et de suivre l’avancement des projets. Il s’agit également d’une opportunité de développement de nouvelles compétences.

Hybridation des échanges : L’hybridation des échanges consiste dans la mise en place de démarches visant à renforcer la compréhension mutuelle entre les chercheurs et les communautés, par exemple par l’information des communautés dans la langue de leur choix ou encore dans la remise de rapports ou publications selon des formes négociées avec les communautés et adaptées à leurs besoins.

Partage des pouvoirs de décision : Dans le cadre de projets menés en collaboration avec des partenaires autochtones, ces derniers doivent pouvoir participer aux prises de décisions au même titre que les chercheurs. Il s’agit notamment du droit de définir l’étendue de l’utilisation de leurs savoirs. Ils doivent également disposer par exemple d’un droit de regard et de décision quant aux publications qui découlent d’un projet et sur les possibilités de valorisation (notamment le dépôt d’un brevet). En somme ces pouvoirs de décision doivent permettre aux participants autochtones de décider des conditions selon lesquelles leurs savoirs seront utilisés et partagés à l’extérieur du groupe autochtones.

 

PHASE 1
Definition of the research project and collection of participants’ consent

Description

La participation des communautés et de leurs membres à l’élaboration des projets de recherche porte sur le rôle accordé aux autochtones lors de la définition des paramètres des projets de recherche (par exemple : la définition des questions de recherche, de la méthodologie, etc.) ainsi que sur les règles en matière de prise en compte de leur avis et de leurs attentes.

Pourquoi est-il important de considérer ce sujet ?

La participation des communautés et de leurs membres lors de la définition des paramètres d’un projet de recherche peut jouer un rôle fondamental dans la reconnaissance et la protection de leurs intérêts.

La participation des communautés et de leurs membres peut donc contribuer à favoriser de meilleures relations entre les chercheurs et les autochtones ainsi qu’à améliorer le déroulement d’un projet et ses résultats. Et ce même si la participation des communautés et de leurs membres peut impliquer pour les chercheurs des changements de pratiques parfois radicaux (par exemple obtenir une approbation de leur projet de recherche par une communauté partenaire avant de soumettre un projet de recherche).

La nécessité de changements de pratiques qu’implique la participation des communautés à la définition des projets de recherche peut être de moins en moins ignorée par les chercheurs, dans la mesure où il s’agit d’une des clés de l’acceptation et du succès d’un projet.

Exemple de bonne pratique

« The terms of the research as well as the research question and methodology will be designed in consultation with, and having due consideration for, the expertise of the Indigenous individuals or groups who will form part of the research ». / « Les termes de la recherche ainsi que la question et la méthodologie de recherche seront conçus en consultation avec, et en tenant dûment compte, de l’expertise des individus ou des groupes autochtones qui feront partie de la « recherche ».

University of Victoria Faculty of Human and Social Development, Protocols and Principles for conducting Research in an Indigenous Context, 2003.

Commentaires

Cette approche prévoit la participation des communautés autochtones et de leurs membres à la définition des paramètres d’un projet de recherche, mais également la prise en compte de leurs points de vue.

Les communautés et leurs membres sont amenés à participer à l’élaboration du projet de recherche et disposent également de pouvoirs de décision qui leur permettent d’influencer les caractéristiques du projet. Il s’agit là d’une manifestation d’un partage de l’autorité entre les chercheurs et les communautés.

Les premiers n’imposent pas unilatéralement leurs conditions et ne se réservent pas un droit de les faire prévaloir quand bien même ils seraient informés de points de vue différents de la part des communautés et de leurs membres.

En ce sens, selon ce type d’approche, les chercheurs ne peuvent pas passer outre l’avis et les commentaires des communautés, ce qui tend vers des relations d’égal à égal au sein du projet. Il s’agit également d’une approche qui peut favoriser une plus grande hybridation des projets par l’intégration de différents points de vue.

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Description

Ce thème fait référence aux règles et mécanismes prévus en matière de confirmation du consentement des participant.e.s tout au long d’un projet de recherche. S’agit-il d’un processus continu ou plutôt d’un évènement ponctuel et localisé dans le temps (généralement au début du projet) ?

Pourquoi est-il important de considérer ce sujet ?

Le maintien du consentement des participants au cours des projets constitue une problématique très importante dans la mesure où ceux-ci peuvent durer plusieurs années et sont généralement constitués de multiples étapes au cours desquelles divers événements inattendus peuvent se produire.

Les règles et mécanismes visant à confirmer le consentement des participant.e.s tout au long des projets sont donc de nature à contribuer à établir et à maintenir la transparence des échanges entre les acteurs impliqués dans un projet de recherche.

Exemple de bonne pratique

« Le consentement doit être maintenu tout au long du projet de recherche. Les chercheurs ont le devoir continu de communiquer aux participants toute information pertinente en ce qui a trait au consentement continu des participants au projet de recherche ».

Trois Conseils de recherche canadiens, Énoncé de politique des trois conseils (2ème édition), 2010.

Commentaires

Selon cette approche il est prévu une information continue au cours des projets afin que les participant.e.s puissent en connaître l’évolution au cours du temps. Ceci est fondamental afin d’éviter par exemple des usages initialement non prévus qui pourraient s’avérer inacceptables pour certaines parties. Ces dispositions peuvent contribuer à l’émergence de rapports plus égaux entre les chercheurs et les autochtones.

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Description

Ce thème fait référence aux règles et mécanismes applicable dans l’hypothèse où les paramètres d’un projet de recherche évolueraient au cours d’un projet. Les participant.e.s doivent-ils en être informés de ces évolutions potentielles ? Doivent-ils les approuver avant leur mise en oeuvre ?

Pourquoi est-il important de considérer ce sujet ?

Un projet de recherche peut souvent durer plusieurs années et est généralement constitués de multiples étapes au cours desquelles divers événements inattendus peuvent se produire.

Les règles et mécanismes applicables dès lors que les paramètres d’un projet de recherche peuvent être modifiés sont donc de nature à contribuer à maintenir la transparence des échanges entre les acteurs impliqués ainsi qu’à garantir un partage des pouvoirs de décision.

Exemple de bonne pratique

« Si les chercheurs souhaitent modifier le projet de recherche, le consentement de la Première Nation/communauté/l’organisme devra être préalablement obtenu ».

Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador, Modèle d’entente de recherche, 2014.

Commentaires

L’obligation d’informer les participant.e.s et d’obtenir un nouveau consentement de leur part en cas de changement des paramètres du projet de recherche constitue un principe favorisant la transparence des relations entre les parties, mais également un partage des pouvoirs de décision.

En effet, selon ce principe, les chercheurs ne peuvent pas modifier unilatéralement les caractéristiques et les paramètres d’un projet (ce qui peut être très fréquent, en particulier avec des projets se déroulant sur plusieurs années). De cette manière les chercheurs ne peuvent pas imposer leurs intérêts et leurs contraintes, en particulier celles qui peuvent survenir en cours de projet. Il s’agit également d’un principe qui permet de prévenir des tentatives de dissimulation de certains objectifs ou aspects d’un projet dans le but d’obtenir un consentement initial puis de modifier le projet par la suite.

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Description

Ce thème fait référence aux règles et mécanismes applicables en matière de retrait des participant.e.s au cours d’un projet de recherche. Les participant.e.s peuvent-ils revenir sur leur consentement et de se désengager d’un projet de recherche ? Si oui, à quelle(s) condition(s) ?

Pourquoi est-il important de considérer ce sujet ?

Le droit de retrait reconnait aux participant.e.s à un projet le pouvoir de mettre un terme à la relation de collaboration. L’existence de règles et de mécanismes en matière de droit de retrait des participant.e.s au cours d’un projet de recherche est donc de nature à contribuer à l’instauration d’un partage des pouvoirs de décision entre les participants à un projet de recherche.

Exemples de bonnes pratiques

« La participation à ce projet de recherche est volontaire et le/ la participant(e) pourra se retirer à n’importe quel moment, sans avoir à fournir de raison, ni à subir de préjudice quelconque ».

Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador, Modèle de formulaire de consentement pour le participant à une recherche, 2014.

Commentaires

Dans l’exemple cité, le retrait peut être exercé en tout temps par les participant.e.s. Il existe alors un partage de l’autorité entre les communautés et les chercheurs puisque ces derniers reconnaissent explicitement la possibilité pour les communautés de mettre fin de manière unilatérale à la collaboration.

Dans certains cas, il peut être demandé aux participant.e.s désirant se retirer d’expliquer leur choix. Cette approche peut contribuer à une plus grande transparence entre les parties. Cette explication ne devrait néanmoins pas constituer une obligation pour les participant.e.s afin de ne pas créer un obstacle supplémentaire à leur retrait s’ils ne sont pas capables de d’exprimer les raisons de leur décision au-delà d’in inconfort vis-à-vis du projet.

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Description

Ce thème fait référence aux règles applicables aux données communiquées par un.e participant.e qui a décidé de se retirer d’un projet de recherche. Dans ce cas le retrait entraîne la fin de la relation de collaboration avec le ou les chercheurs.

Il est ici question des données collectées dans le cadre du projet et avant qu’elles aient été publiées. En effet, une fois les données rendues publiques, la question du retrait des données ne présente plus d’intérêt.

Pourquoi est-il important de considérer ce sujet ?

Les règles et mécanismes applicables en matière de gestion des données collectées suite au retrait d’un ou d’une participant.e peuvent contribuer à l’instauration d’un partage des pouvoirs de décision en faveur des participant.e.s.

Exemple de bonne pratique

« Withdrawal: An individual participant has the right to withdraw from the research process at any point. If this occurs, all information already collected on the individual should be destroyed or returned to the individual » /  « Retrait : Un participant individuel a le droit de se retirer du processus de recherche à tout moment. Dans ce cas, toutes les informations déjà collectées sur la personne doivent être détruites ou lui être restituées »

First Nation Centre, Considerations and Templates for Ethical Research Practices, 2007.

Commentaires  

Selon cette approche, les participants apparaissent particulièrement protégés puisqu’ils n’ont pas à s’exprimer sur le retrait des données ni à le demander pour que celui-ci intervienne automatiquement. Ceci semble logique dans la mesure où on peut penser que le retrait d’une personne est en général lié aux données qu’elle a communiquées durant un projet ou aux données qu’on lui demande de communiquer et l’usage qui peut en être fait. II serait donc a priori étrange que les chercheurs puissent conserver les données.

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Description

Ce thème fait référence aux règles et mécanismes applicables en matière linguistique lors de la présentation d’un projet de recherche et du recueil du consentement des participant.e.s.

Pourquoi est-il important de considérer ce sujet ?  

Les règles et mécanismes en matière d’usage des langues peuvent contribuer et être le reflet d’une plus grande hybridation dans les rapports entre les chercheurs et les communautés autochtones.

L’usage des langues autochtones peut également concourir à plus de transparence dans les rapports entre les acteurs en rendant les informations échangées potentiellement plus compréhensibles en particulier pour les participant.e.s. plus à l’aise avec une langue autochtone.

Exemple de bonne pratique

« Les chercheurs s’informeront de la langue maternelle des participants autochtones et, s’il s’agit d’une langue autochtone, ils demanderont à une personne compétente de fournir des services de traduction pendant le processus de consentement et pendant le déroulement des travaux de recherche, conformément au souhait du participant ».

Trois Conseils de recherche canadiens, Énoncé de politique des trois conseils (2ème édition), 2010.

Commentaires  

Selon cette approche les particpant.e.s doivent pouvoir être informés dans la langue de leur choix, incluant les langues autochtones. Le fait d’offrir le choix aux participant.e.s est intéressant dans la mesure où ces derniers pourraient ne pas choisir d’être informés dans une langue autochtone, notamment en raison des phénomènes d’érosion linguistique.

Soulignons néanmoins qu’il existe une différence selon nous entre laisser le choix au participant et une approche qui consisterait à proposer d’emblée aux participants d’utiliser les langues autochtones, tout en leur laissant ultimement le choix. En effet, il nous semble que face à un choix entre deux langues a priori disponibles et mobilisables, certaines personnes pourraient ne pas nécessairement se sentir à l’aise de demander l’usage de leur langue sachant que dans certains cas les chercheurs ne les maitrisent pas ou, car cela entrainerait des coûts supplémentaires.

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PHASE 2
Collection, Data Analysis and Preparation of Results Stage

Description

Ce thème fait référence aux modalités de participation reconnues au profit des participant.e.s à un projet de recherche, en particulier en matière d’analyse des données et de préparation des résultats. Peuvent-ils contribuer à l’interprétation des données ? Participent-ils à la rédaction des résultats finaux ? Ou encore, sont-ils associés dans la gestion du projet de recherche ?

Pourquoi est-il important de considérer ce sujet ?

Au-delà de l’information des communautés et de leurs membres, plusieurs auteurs insistent sur l’importance de leur participation tout au long des projets de recherche : « It is simply not enough just to inform Indigenous and local communities of ethnobiological research activities but instead it is necessary to include them in all aspects of the research process, including project design, implementation, reporting, and evaluation » (Gilmore et Eshbaugh, 2011). Cette participation est de nature à renforcer la transparence des échanges mais également à rendre le projet potentiellement plus pertinent pour les participant.e.s par l’intégration de leurs intérêts et expertises. Il s’agit de règles et de mécanismes qui peuvent également favoriser des relations plus équitables et égalitaires entre les chercheurs et les participant.e.s.

Exemple de bonne pratique

Participation à la collecte des données : « Les projets doivent souvent faire appel aux services de membres de la communauté pour agir à titre d’interprètes ou de traducteurs lors d’entretiens pour la collecte de données. Dès la planification du projet, on doit discuter de la sélection de personnes ressources qualifiées pour remplir cette tâche ».

Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador, Protocole de recherche des Premières Nations du Québec et du Labrador, 1ère édition, 2005.

Participation à l’interprétation des résultats : « Les chercheurs impliqueront les communautés dans l’identification des Aînés et autres détenteurs du savoir afin qu’ils participent à l’élaboration et à l’exécution du projet de recherche ainsi qu’à l’interprétation des résultats, dans le contexte des normes culturelles et des connaissances traditionnelles ».

Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador, Protocole de recherche des Premières Nations du Québec et du Labrador, 1ère édition, 2005.

Participation à la direction de la recherche : « The research must be led by a member of the Indigenous community, although non native academics are invited to participate as supporting researchers or co-leads » /  « La recherche doit être menée par un membre de la communauté autochtone, bien que des universitaires non autochtones puissent être invités à participer en tant que chercheurs de soutien ou co-directeurs ».

Instituts de recherche en santé du Canada, Lignes directrices des IRSC pour la recherche en santé chez les peuples autochtones, 2007.

Commentaires

La première approche citée prévoit une participation lors de la phase de collecte des données auprès des participant(e)s. Ceci peut contribuer à un meilleur suivi de la part de membres de la communauté des informations qui sont collectées. En ce sens, ce type de participation est de nature à renforcer la transparence lors de la conduite de la recherche.

La seconde approche présente des caractéristiques similaires en se focalisant sur la phase d’interprétation des données. Cette approche est de nature à renforcer la transparence quant à la formulation des conclusions du projet de recherche et à permettre aux communautés et à leurs membres de contribuer à la formulation de ces conclusions. En ce sens, ce type de disposition illustre une tendance vers des rapports plus égaux entre les chercheurs et les communautés.

La troisième approche nous semble être la plus ambitieuse dans la mesure où les communautés et leurs membres sont invités à participer à la direction de la recherche. Dans ce cas, ils ont potentiellement le pouvoir d’intervenir dans divers domaines (collecte des données, interprétation, etc.) et d’influer sur les orientations du projet de recherche. Cette approche peut ainsi contribuer à un partage de l’autorité entre les chercheurs et les communautés puisque ces dernières peuvent être associées aux organes de direction d’un projet de recherche. Il s’agit également d’une approche qui peut favoriser un meilleur suivi des projets par les communautés et donc permettre une plus grande transparence.

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Description

Ce thème fait référence aux règles applicables en matière d’emploi des membres des communautés impliqués dans un projet de recherche ainsi qu’aux mesures visant la formation des membres des communautés dans le champ de la recherche scientifique. Le projet prévoit-il l’emploi de membres de la communauté par exemple comme interprètes ou comme chercheurs participants à la collecte et l’analyse des données ? Les participants sont-ils formés dans le cadre du projet, de manière à être capables par exemple de mener leurs propres recherches par la suite ?

Pourquoi est-il important de considérer ce sujet ?

La formation et l’emploi peuvent contribuer au renforcement des capacités des communautés et de leurs membres : « Les Peuples autochtones n’acceptent plus de « se faire étudier » sans que les résultats ne servent à améliorer leur qualité de vie. Ils souhaitent en outre s’impliquer activement dans les projets, dans une optique de renforcement des capacités » (Asselin et Basile, 2012).

La participation des communautés et de leurs membres peut alors leur permettre de développer à terme leurs propres projets de recherche : « La participation des communautés rassure les membres et permet de développer une expertise en matière de recherche. Le développement des capacités ne passe pas seulement par l’apprentissage d’outils ou l’application directe de résultats de recherche. C’est aussi, pour les Peuples autochtones, d’apprendre à faire eux-mêmes de la recherche, pour réduire le besoin d’en appeler à des chercheurs externes » (Asselin et Basile, 2012).

Exemple de bonne pratique

Emploi : « Research studies or development projects that seek to utilize Traditional Knowledge shall offer Dehcho community members training and/or employment opportunities, in order that members can participate in the research » / « Les projets de recherche ou les projets de développement qui visent à utiliser les connaissances traditionnelles doivent offrir aux membres des communautés Deh Cho des possibilités de formation et/ou d’emploi, afin que les membres puissent participer à la recherche ».

Deh Cho First Nation, Traditional Knowledge Research Protocol, 2005.

Acquisition de Nouvelles compétences : « Les chercheurs devraient réaliser tous les efforts nécessaires pour transférer aux peuples et aux communautés autochtones les compétences et les connaissances qui renforcent leur autonomie durant le processus de recherche ».

Stevenson, M.G. pour le Réseau de gestion durable des forêts, L’éthique et la recherche en collaboration avec les communautés autochtones, 2010.

Formation à la recherche : « La recherche devrait soutenir le transfert de compétences aux membres de la Première nation ________________ et accroître la capacité de la communauté à gérer ses propres projets de recherche ».

First Nation Centre, Considerations and Templates for Ethical Research Practices, 2007.

Commentaires

Les différentes approches citées visent à favoriser une participation active des membres des communautés au sein des projets de recherche. Cette participation est de nature à permettre un meilleur suivi des projets et donc une plus grande transparence des opérations qui sont menées.

Dans le cadre de la dernière approche citée (formation à la définition et conduite de recherches), il est là question de considérer les communautés et leurs membres comme de véritables partenaires de recherche, capables de mener leurs propres projets. En ce sens, ce type de disposition illustre un engagement vers des relations plus égalitaires entre les chercheurs et les communautés. Il ne s’agit pas de maintenir les communautés et leurs membres à l’écart de la conduite de la recherche afin que celle-ci ne puisse être menée uniquement par des chercheurs universitaires.

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Description

Une fois le consentement recueilli et les données collectées, ces dernières sont analysées en vue de la préparation des résultats. Ce thème fait référence aux usages autorisés lors de l’analyse des données collectées. Ces usages sont-ils limités à ceux initialement autorisés ou au contraire peuvent-ils être modifiés si de nouvelles applications apparaissent possibles en cours de projet ? Si oui à quelle(s) conditions ?

Pourquoi est-il important de considérer ce sujet ?

L’encadrement des champs ou des domaines pour lesquels l’utilisation des savoirs est autorisée est fondamental afin d’éviter des abus pendant ou à l’issue d’un projet.

Deux situations dans lesquelles la problématique de l’utilisation secondaire apparait particulièrement prégnante sont envisageables. Dans un premier cas, l’équipe de recherche ayant initialement collecté des données auprès d’une communauté découvre en cours de projet de nouvelles applications potentielles auxquelles n’ont pas consenti les détenteurs autochtones. Dans un second cas, une équipe n’ayant pas participé à la collecte des données bénéficie des résultats de l’équipe ayant réalisé le projet initial. Cette seconde équipe découvre une nouvelle application qui n’a pas fait l’objet d’un consentement de la part des détenteurs de savoirs.

Le contrôle des usages relatifs aux savoirs traditionnels constitue donc un moyen pour les communautés et leurs membres de prévenir des usages abusifs et divers types de dommages. En ce sens, le traitement de la problématique des usages secondaire peut contribuer à favoriser le partage des pouvoirs de décision entre les chercheurs et les participant.e.s mais également la transparence des échanges entre les parties.

Exemple de bonne pratique

« Je suis d’accord pour utiliser seulement l’information transférée par : (nom de la Première Nation, de la communauté ou de l’organisme des Premières Nations concerné) pour le projet de recherche mentionné ci-haut. Je m’engage aussi à ne pas utiliser cette information sans le consentement de (nom de la Première Nation, de la communauté ou de l’organisme des Premières Nations concerné) pour d’autres projets sur lesquels je pourrais travailler dans le futur. »

 

Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador, Modèle de déclaration sur la confidentialité et la conduite de la recherche, 2014.

Commentaires

Dans ce cas de figure, les chercheurs ne peuvent pas décider unilatéralement d’utiliser les données collectées à d’autres fins que celles pour lesquelles un consentement a été reçu. De cette manière, les chercheurs ne peuvent pas dissimuler leurs objectifs aux participant(e)s afin d’obtenir un accès aux données (voir un accès à des conditions plus avantageuses). Nous pensons notamment à des chercheurs qui exposeraient un usage de savoirs traditionnels a priori non commercial, mais sachant pertinemment que leurs recherches pourraient conduire à des usages commerciaux. De la même manière, en cas de découverte fortuite d’usages secondaires prometteurs en cours de projet, les chercheurs sont obligés de revenir vers les communautés afin d’obtenir un nouveau consentement s’ils souhaitent exploiter ces usages potentiels.

Ce type d’approche est donc de nature à favoriser la transparence entre les communautés et les chercheurs en imposant à ces derniers de ne pas poursuivre d’usages secondaires ou le cas échéant d’obtenir un nouveau consentement. En ce sens, la possibilité d’une évolution du positionnement des communautés est reconnue. Il s’agit uniquement de préserver la liberté de choix en connaissance de cause des participant.e.s. Il s’agit également d’une manifestation d’un partage des pouvoirs entre les communautés et les chercheurs puisque ces derniers ne peuvent pas imposer de nouvelles orientations de recherche au-delà de celles autorisées lors de l’accès initial (ou celles renégociées).

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Description

Les règles en matière de transfert des données durant un projet de recherche font références aux droits et limites en matière de communication des données communiqués par les participant.e.s. à des personnes tierces ne faisant pas partie de l’équipe de recherche ou dont les participant.e.s n’ont pas connaissance de la participation au projet.

Pourquoi est-il important de considérer ce sujet ?

De la même manière que pour les droits et limites en matière d’utilisation secondaire, la problématique du transfert à des tiers peut contribuer à favoriser les pouvoirs des participant.e.s en matière de contrôle de la circulation de leurs savoirs. Il est en effet possible d’imaginer des cas dans lesquels un premier utilisateur servirait de prête-nom ou d’intermédiaire pour un tiers auquel les utilisateurs n’auraient pas nécessairement octroyé l’accès aux savoirs.

Exemple de bonne pratique

« Les partenaires de recherche ne peuvent pas diffuser ou divulguer les données obtenues à d’autres institutions ou organismes sans avoir obtenu le consentement écrit de la Première Nation/communauté ___________. Tout organisme ou toute institution de recherche qui sont est intéressés par le projet doit contacter la Première Nation/communauté directement ».

Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador, Modèle de déclaration sur la confidentialité et la conduite de la recherche, 2014.

Commentaires

L’interdiction ou l’encadrement du transfert des savoirs à des tiers constitue des principes et mécanismes favorisant un partage de l’autorité entre les chercheurs et les participants autochtones, mais aussi un indicateur de transparence. En effet, les premiers ne peuvent pas utiliser les savoirs comme bon leur semble.

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Description

Ce thème fait référence à la protection de la vie privée des participants et notamment la protection de leur anonymat s’ils le souhaitent. En effet, dans certains cas des participants peuvent décider que leur nom ne devrait pas être divulgué au sein de publications ni être associé aux données et résultats.

Pourquoi est-il important de considérer ce sujet ?

Le respect de la confidentialité constitue une problématique fondamentale pour les communautés et les participants en raison des risques et des conséquences qui peuvent être associées à la divulgation de renseignements personnels pour les participants : «Sharing of information can also sometimes be dangerous for the person who provides the data – for example, if the knowledge itself is sensitive, or if it reveals controversial views about other factions or individuals in the community » (Laird et al., 2002).

Les règles et les mécanismes en matière de confidentialité peuvent contribuer au renforcement des pouvoirs dont disposent les communautés et leurs membres en ce qui concerne la divulgation de leurs informations personnelles. 

Exemple de bonne pratique

« Confidentiality will be maintained using a coding system, unless a participant gives written request to be publicly noted » / « La confidentialité sera maintenue à l’aide d’un système de codage, à moins qu’un participant ne demande par écrit à être nommé publiquement ».

Boston Bar First Nation (NLAKA’PAMUX) and the University Of British Columbia Institute for Aboriginal Health, Boston Bar First Nation (NLAKA’PAMUX) and the University Of British Columbia Institute for Aboriginal Health, 2009.

Commentaires

Selon cette approche, la confidentialité doit être protégée sauf si les participants ne le souhaitent pas. En ce sens, la confidentialité est le principe de base, elle doit par ailleurs être explicitement proposée. Comme dans le premier cas il s’agit ici d’une approche préventive en matière de protection de la confidentialité. Les chercheurs n’ont alors pas le choix de la respecter, et seuls les participant.e.s peuvent renverser cette obligation en l’indiquant explicitement aux chercheurs. Il existe dans ce cas un véritable partage des pouvoirs de décision entre les chercheurs et les participant.e.s.

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Description

La soumission des données et/ou des résultats fait référence aux règles et mécanismes applicables en matière de communication des données recueillies et des résultats finaux auprès des participant.e.s à un projet avant toute diffusion publique. Les droits et les pouvoirs associés le cas échéant à la soumission des données et des résultats sont analysées dans une autre section.

Pourquoi est-il important de considérer ce sujet ?

La publication des données est d’une importance fondamentale pour les chercheurs qui sont tenus à des objectifs de rendement quantitatifs de plus en plus élevés (Laird et al., 2002).

La publication des résultats est très souvent décrite comme une contribution à la connaissance nécessairement positive et profitable à l’humanité dans son ensemble (Burelli et Aubertin, 2017). Cette vision est critiquable, en particulier dans le champ de l’étude et de la valorisation des ressources de la biodiversité et des savoirs traditionnels associés (Laird et al., 2002 ; Menzies, 2001).

La publication des données et des résultats en lien avec un projet de recherche impliquant des participants autochtones et leurs savoirs peut en effet présenter des risques pour ces derniers (Gilmore et Eshbaugh, 2011). Plusieurs auteurs soulignent à quel point la publication des savoirs peut contribuer à l’appropriation de ces derniers notamment par des tiers (Bannister, 2000 ; Vodden et Bannister, 2008). Ces risques, inhérents à certaines visions de la recherche scientifique, justifient selon eux l’évolution des pratiques et des règles en matière de publication (Bannister, 2000).

Exemple de bonne pratique

« The summary documents and working documents shall be reviewed by the community, or its designated body, to determine the reliability and validity of the information submitted » / « Les documents de synthèse et les documents de travail doivent être examinés par la Communauté, ou son organisme désigné, afin de déterminer la fiabilité et la validité des informations soumises ».

Deh Cho First Nation, Traditional Knowledge Research Protocol, 2005.

« Renseigner le groupe sur ce qui suit : remise d’un rapport préliminaire pour commentaires ».

Trois Conseils de recherche canadiens, Énoncé de Politique des trois conseils (1ère édition), 1998.

« Researchers have an obligation to provide the Elders Group, the Ktunaxa Treaty Council and the KKTC with an opportunity to review the research results and provide comments before the final product is completed » / « Les chercheurs ont l’obligation de donner au Groupe des aînés, au Conseil du traité Ktunaxa et à la KKTC la possibilité d’examiner les résultats de la recherche et de formuler des commentaires avant que le produit final ne soit achevé ».

Ktunaxa Nation, Ktunaxa Nation’s Code of Ethics for Research, 1998.

Commentaires

Les approches identifiées favorisent la transparence entre les chercheurs et les participants en ce qui concerne les données qui ont été collectées, et le cas échéant les interprétations qui en ont été faites (les résultats). Il s’agit également d’approches de nature à favoriser une plus grande intelligibilité entre les participants et les chercheurs, car il est question de vérifier les données et les résultats afin de s’assurer qu’ils correspondent bien à ce que les participants ont voulu exprimer et partager. Dans le cadre de l’étude et de la valorisation des savoirs traditionnels, il s’agit d’approches fondamentales afin d’éviter que des données confidentielles ne soient divulguées ou afin d’éviter des interprétations erronées ou offensantes.

Les approches identifiées ne sont néanmoins pas équivalentes. En effet, la soumission des données collectées au sens des informations brutes obtenues auprès des participant.e.s nous semble constituer une approche minimale. Elle permet aux participant(e)s de s’assurer de l’exactitude des informations collectées par les chercheurs et de leur caractère non confidentiel. Cette approche ne permet néanmoins pas de contrôler la manière dont ces données auront été interprétées par les chercheurs ainsi que les manières dont ces données auront été contextualisées. Il s’agit d’une perspective que permet la seconde approche qui prévoit la soumission des résultats. Ceci implique l’intégration des données collectées. En ce sens la seconde approche permettrait un contrôle potentiellement plus large pour les participant(e)s. Soulignons néanmoins que ce contrôle intervient plus tard et alors que les chercheurs disposent de produits quasi-finaux. Le contrôle à ce stade de l’exactitude des données collectées et de leur non-confidentialité est ici plus complexe pour les participant(e)s et les chercheurs. En effet, les premiers sont confrontés à des résultats, donc à des données qui ont a priori été analysées et qui peuvent impliquer une multitude de participant(e)s. Pour les chercheurs, les commentaires des participant(e)s peuvent avoir des répercussions très importantes sur les résultats et leur présentation. La troisième approche que nous avons identifiée pourrait dès lors être la plus intéressante quand bien même elle implique finalement deux soumissions, d’une part les données collectées auprès de chaque partipant.e.s puis les résultats intégrant ces données. Ces deux étapes pourraient être intégrées au processus de recherche sans constituer pour autant des contraintes insurmontables.

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Description

Au-delà de la soumission des données et des résultats avant leur publication, la question qui se pose est de savoir quels sont les droits des communautés et de leurs membres à propos des éléments soumis ? Trois grands types d’approches sont envisageables : 1- l’approbation des données ou résultats ; 2- un droit de modification et de retrait de données, 3- l’inclusion de points de vue divergents.

Pourquoi est-il important de considérer ce sujet ?

Selon les auteurs, les droits associés à la soumission des données et/ou des résultats posent deux problèmes du point de vue des acteurs des milieux académiques. D’une part, ils peuvent entrer en contradiction avec les exigences et objectifs de publications des résultats qui pèsent sur les chercheurs (Nagy, 2011). D’autre part, et plus important, ils impliquent que les communautés et leurs membres puissent refuser la publication de certains résultats ou demander des modifications (Nagy, 2011).

Adam Gaudry souligne lui les risques de la divulgation à tout prix d’éléments du patrimoine culturel immatériel des communautés et de leurs membres (Gaudry, 2015). Adam Gaudry soutient que l’avancement des connaissances et du même coup l’exercice de la liberté académique du chercheur dans certains cas peuvent être poursuivis au détriment des intérêts des communautés (Gaudry, 2015).

Les droits associés à la soumission des données et/ou des résultats peuvent contribuer à la reconnaissance de pouvoirs de décisions en faveur des participant.e.s d’un projet de recherche. Ces droits nous permettent en particulier d’apprécier le partage de l’autorité entre les chercheurs et les autochtones.

Exemple de bonne pratique

Approbation : « Final research reports shall be approved by the respective Dehcho community before being released to any external agency » / «Les rapports de recherche finaux doivent être approuvés par la communauté Deh Cho concernée avant d’être communiqués à toute agence externe ».

Deh Cho First Nation, Traditional Knowledge Research Protocol, 2005.

Droit de modification :  « Aussi, les … (nom de la Première Nation, de la communauté ou de l’organisme des Premières Nations concerné) peuvent exiger que certains éléments confidentiels soient extraits des publications ».

Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador, Modèle de déclaration sur la confidentialité et la conduite de la recherche, 2014.

Inclusion des points de vue divergents : « En cas de différend persistant entre les chercheurs et la communauté sur l’interprétation des données, les chercheurs a) donneront à la communauté l’occasion de faire connaître son point de vue ou b) feront état avec exactitude, dans leurs rapports et leurs publications, de tout désaccord au sujet de l’interprétation ».

Trois Conseils de recherche canadiens, Énoncé de politique des trois conseils (2ème édition), 2010.

Commentaires

L’approbation des données ou résultats constitue une manifestation d’un partage des pouvoirs de décision entre les autochtones et les chercheurs. En effet, au travers de cette approche les chercheurs ne peuvent pas publier les données et les résultats sans l’accord préalable des participant.e.s.

En matière de droit de modification des données, dans l’approche présentée, les participant(e)s disposent de pouvoirs de décision non équivoques en ce qui concerne la publication des données et des résultats. Les chercheurs ne peuvent pas imposer leurs choix et leurs intérêts. Les participant(e)s sont ici définis comme des partenaires égaux vis-à-vis des chercheurs et peuvent s’opposer à une publication. Il y a donc bien un partage de l’autorité entre chercheurs et autochtones.

L’intégration des points de vue divergents permet aux communautés et à leurs membres d’exprimer des désaccords ou des divergences d’interprétation. Ce type de mesures permet donc aux communautés et de leurs membres de participer à la préparation et à la rédaction des conclusions et des résultats. Elle leur permet de faire entendre leurs voix. Il s’agit d’une pratique originale du point de vue de la recherche scientifique puisque les chercheurs ne revendiquent pas de monopole quant à l’interprétation des résultats. En cela, il s’agit d’une forme de partage de l’autorité ainsi qu’une manifestation d’hybridation des méthodes des chercheurs. Il s’agit d’une approche qui diffère d’un droit d’approbation ou de modification des conclusions et qui vise à prévenir les blocages en préférant comme alternative la présentation d’une pluralité de points de vue. Selon cette approche les chercheurs n’ont pas l’obligation de modifier leurs conclusions en cas de désaccords avec les communautés. Ils peuvent donc potentiellement imposer leurs conclusions. Celles-ci doivent alors néanmoins être accompagnées de commentaires.

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Description

L’usage des langues lors de la phase de conduite d’un projet de recherche fait référence aux règles applicables en matière d’utilisation des langues vernaculaires des participant.e.s dans le cadre de la collecte des données qui seront analysées et qui feront l’objet d’une publication.

Pourquoi est-il important de considérer ce sujet ?

L’usage des langues vernaculaires des participant.e.s lors de cette phase de recherche peut contribuer à une plus grande hybridation des rapports  entre les chercheurs et les communautés autochtones et leurs membres.

Exemple de bonne pratique

« Always have an interpreter with Elders who are more comfortable in their language » / « Ayez toujours un interprète avec les aînés qui sont plus à l’aise dans leur langue ».

Noojmowin Teg Health Centre, Guidelines for Ethical Aboriginal Research – Ethical Research Guidelines for Community-Based Health Research in First  Nations in the Manitoulin, 2003.

« You may choose to be interviewed alone or you may choose to invite one or more people to participate or just be present with you or to help translate if you wish to speak in the Squamish language » / « Vous pouvez choisir d’être interviewé seul ou vous pouvez choisir d’inviter une ou plusieurs personnes à participer ou simplement être présent avec vous ou aider à traduire si vous souhaitez parler en langue Squamish ».

Consent form in Leigh Joseph, Finding Our Roots: Ethnoecological Restoration of lhásem (Fritillaria camschatcensis (L.) Ker-Gawl), an Iconic Plant Food in the Squamish River Estuary, thèse de maitrise, University of Victoria, 2012 [non publiée].

Commentaires

Les deux approches que nous avons identifiées contribuent selon nous à favoriser une plus grande hybridation des rapports entre les chercheurs et les participant.e.s. En effet l’usage des langues autochtones est de nature à renforcer la compréhension mutuelle entre les acteurs du projet de recherche. Selon la première approche, l’usage des langues autochtones est la norme puisqu’un interprète doit être présent. En ce sens, il est proposé aux participants de s’exprimer dans la langue autochtone de leur choix. La seconde approche est très proche de la première, puisque les chercheurs doivent permettre aux participant(e)s de s’exprimer dans la langue de leur choix. Notons que certains cas, il est indiqué que les coûts de traduction seront pris en charge par les chercheurs. Il s’agit là d’un engagement supplémentaire vers une plus grande hybridation des rapports chercheurs-autochtones.

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PHASE 3
Dissemination and valorisation of results

Description
La restitution des données fait référence au partage des informations et données qui ont été collectées auprès des participant.e.s à un projet. Dans le cadre de cette restitution, la question du respect de la confidentialité se pose en particulier lorsque ces données ne sont pas retournées uniquement au participant, mais également à des institutions représentatives des communautés. Se pose également la question des manières dont les données et informations seront partagées.
Pourquoi est-il important de considérer ce sujet ?
Le retour des données collectées peut contribuer à l’établissement de plus de transparence dans les rapports entre les participant.e.s et les chercheurs. Le traitement de ce thème peut également à l’hybradation des relations en fonction des manières dont les données sont partagées avec les participants (Gilmore et Eshbaugh, 2011).
Exemple de bonne pratique

« That once the research is complete, the data will be disseminated to individual participants and participating communities in such a manner that is comprehensible and useful to those individuals » / « Une fois la recherche terminée, les données seront diffusées aux participants individuels et aux communautés participantes d’une manière qui soit compréhensible et utile pour ces personnes ».

Nuu-chah-nulth Tribal Council Research Ethics Committee, Protocols and principles for conducting research in a Nuu-Chah-Nulth context, 2008.

Commentaires

Selon cette approche, les chercheurs doivent effectuer des démarches actives de restitution des données. Ce type d’approche favorise la transparence entre les chercheurs et les participant.e.s en ce qui concerne les données qui ont été collectées. Ceci est très important pour les communautés et leurs membres afin qu’elles puissent effectuer un suivi de l’utilisation de ces données. Les participant.e.s conservent néanmoins le droit de renoncer à la confidentialité. Ils conservent donc un large contrôle en lien avec les données qu’ils ont communiquées.

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Description

La restitution des résultats fait référence au partage de l’ensemble des produits finaux d’un projet de recherche qu’il s’agissent d’articles, de vidéos ou de tout autre produit. Dans le cadre de cette restitution, la question des manières dont les résultats seront partagés se pose.

Pourquoi est-il important de considérer ce sujet ?

Le retour des résultats peut contribuer à l’établissement de plus de transparence dans les rapports entre les participant.e.s et les chercheurs. Le traitement de ce thème peut également à l’hybradation des relations en fonction des manières dont les résultats sont partagées avec les participants (Gilmore et Eshbaugh, 2011).

Exemple de bonne pratique

« Researchers must provide one copy of the final product of the research project to: a) the Elders Group; b) the Ktunaxa Treaty Council; and c) the KKTC » / « Les chercheurs doivent fournir une copie du produit final du projet de recherche au : a) Groupe des aînés ; b) au Conseil du traité Ktunaxa ; et c) à la KKTC ».

Ktunaxa Nation, Ktunaxa Nation’s Code of Ethics for Research, 1998.

Commentaires

Selon cette approche, la restitution des résultats est automatique. Il s’agit là d’une disposition de nature à favoriser la transparence entre les chercheurs et les participant(e)s. En tant que partenaires égaux au sein des projets il apparaît légitime que les participant(e)s puissent obtenir une copie des résultats. Cette restitution est également fondamentale afin d’assurer un suivi dans le futur de leur utilisation.

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Description

L’adaptation des retours fait référence aux règles et mécanismes applicables quant aux formes selon lesquelles les produits découlant d’un projet de recherche seront restitués aux participant.e.s.

Pourquoi est-il important de considérer ce sujet ?

Le retour des données et des résultats n’est pas une garantie qu’ils seront compris et utiles pour les communautés, d’où l’importance de l’adaptation des retours : « All too often, communities and local research institutions share their time and knowledge with visiting researchers, who in turn do not return their results in ways that are relevant to the needs of local groups or conservation efforts – or in a language that can be understood » (Laird, 2002). L’adaptation des retours peut prendre une très grande diversité de formes (Gilmore et Eshbaugh, 2011).

En ce sens, l’adaptation des retours peut contribuer à une plus grande hybridation des rapports entre les chercheurs et les communautés ainsi qu’une approche pouvant potentiellement favoriser une plus grande transparence.

Exemple de bonne pratique

Plusieurs manières d’envisager l’adaptation des retours sont possibles :

La clarté des retours : « Research findings will be presented to the community in a language and format that is clear and comprehensible to community members » / « Les résultats de la recherche seront présentés à la communauté dans un langage et un format clairs et compréhensibles pour les membres de la communauté ».

First Nations Centre, National Aboriginal Health Organization, Template for a Collaborative Research Agreement, 2007.

La concision des retours : « A Community has a right to expect clear, concise, useful and accessible research results as a reciprocal benefit for allowing researchers intimate access to their personal and Community knowledge » / « Une Communauté est en droit d’attendre des résultats de recherche clairs, concis, utiles et accessibles comme bénéfice réciproque pour avoir permis aux chercheurs un accès privilégié à leurs connaissances personnelles et communautaires ».

University of Saskatchewan, Principles and Guidelines for Ethical Research with Indigenous Peoples, 2008.

L’usage d’un langage non technique : « All research studies containing Traditional Knowledge shall be summarized in a plain language report (English and Slavey, as determined by the community) and or on audiotape (in Slavey, as determined by the community) » / « Toutes les études de recherche contenant des connaissances traditionnelles doivent être résumées dans un rapport en langage clair (en anglais et en Slavey, selon la décision de la communauté) et/ou sur une cassette audio (en Slavey, selon la décision de la communauté) ».

Deh Cho First Nation, Traditional Knowledge Research Protocol, 2005.

Des retours aussi bien à l’oral qu’à l’écrit : « Where appropriate, the research findings will be presented in oral, written and visual forms in both Indigenous and non-Indigenous publications and forum » / « Le cas échéant, les résultats de la recherche seront présentés sous forme orale, écrite et visuelle dans des publications et des forums autochtones et non autochtones ».

University of Victoria Faculty of Human and Social Development, Protocols and Principles for conducting Research in an Indigenous Context, 2003.

Une restitution utile pour les communautés : « That once the research is complete, the data will be disseminated to individual participants and participating communities in such a manner that is comprehensible and useful to those individuals » / « Une fois la recherche terminée, les données seront diffusées aux participants individuels et aux communautés participantes d’une manière qui soit compréhensible et utile pour ces personnes ».

Nuu-chah-nulth Tribal Council Research Ethics Committee, Protocols and principles for conducting research in a Nuu-Chah-Nulth context, 2008.

Un choix qui revient aux communautés et leurs membres : « Les chercheurs doivent transmettre les résultats de leurs études aux communautés et individus impliqués dans le projet d’une manière jugée acceptable par la Nation Innu ».

Innu Nation, Principes de recherche de l’Innu Nation, 1996.

Commentaires

Selon les approches citées, il ne s’agit pas seulement de retourner les résultats, mais de le faire de manière adaptée pour les communautés et leurs membres. Il s’agit d’une invitation à une plus grande hybridation des pratiques de restitution pour les chercheurs qui ne doivent pas simplement retourner les résultats tels qu’ils sont jugés utiles dans leurs univers de référence. Ils doivent également tenir compte de l’univers de référence des communautés autochtones. Les chercheurs sont donc encouragés à adapter leurs manières de faire afin de tenir compte des visions du monde autochtone. Cette approche est également de nature à renforcer la transparence des échanges en rendant les résultats potentiellement plus compréhensibles pour les communautés.

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Description

Ce thème fait référence aux règles linguistiques applicables en matière de diffusion des produits découlant d’un projet de recherche auprès des participants mais également auprès du public. Les informations collectées durant le projet et les résultats doivent-ils par exemple être diffusées dans la langue des participant.e.s ?

Pourquoi est-il important de considérer ce sujet ?

Le traitement des aspects linguistiques lors de la phase de diffusion des résultats est de nature à favoriser une plus grande transparence quant aux travaux de recherche ainsi que l’hybridation des rapports. Il s’agit donc d’approches de nature à induire une sociabilité de la convivialité.

Exemple de bonne pratique

Retour des informations collectées en langue autochtone : « Mi’gmaq language – if interviews are conducted in Mi’gmaq, information should be given back in Mi’gmaq » / « Langue Mi’gmaq – si les entretiens sont menés en Mi’gmaq, les informations doivent être rendues en Mi’gmaq ».

Mi’gmawei Mawiomi Secretariat, Wesgijinua’luet research guidelines, 2008.

Retour des résultats en langue autochtone : « In some instances, translation into Aboriginal languages will be necessary to ensure that those affected by the research have access to the results » / « Dans certains cas, une traduction dans les langues autochtones sera nécessaire pour garantir que les personnes concernées par la recherche aient accès aux résultats ».

Ph.D. Program in Native Studies (University of Trent), Ethics Guidelines for Ph.D. Program in Native Studies + Guidelines for Community-Based Research, 2004.

Commentaires

La remise de rapports dans la langue souhaitée par les participants constitue une démarche d’hybridation des rapports entre les chercheurs et les communautés pouvant permettre une meilleure compréhension mutuelle. Par ricochet il s’agit également d’approches favorisant une plus grande transparence. En ce qui concerne la remise de résumés en langue autochtone et non les documents finaux, il s’agit probablement d’un minimum pour que les membres des communautés qui ne parlent pas nécessairement la langue des chercheurs, la comprennent mal, ou ne souhaitant pas la mobiliser puissent se sentir à l’aise.

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Description

Ce thème fait référence aux règles et mécanismes applicables en matière de reconnaissance de la contribution des participant.e.s à un projet de recherche. L’identité des participant.e.s doit-elle être mentionnée dans les résultats finaux ? Le cas échéant les participant.e.s doivent-ils être associés en tant que co-auteurs ?

Pourquoi est-il important de considérer ce sujet ?

La reconnaissance de la contribution des participants autochtones est essentielle à la fois comme moyen de protection contre l’usage abusif des savoirs, mais également comme obligation morale vis-à-vis des détenteurs : « This would help ensure that full credit is given to Indigenous individuals and their communities, a level of recognition consistent with academic citation and credit. It would also facilitate contact with communities wishing to be consulted if further use of the data or resources is sought » (Bannister and Barrett, 2006).

Exemple de bonne pratique

Reconnaissance automatique de la contribution : «The sources of TK information must be referenced in any work being conducted. (…) All information gathered shall be properly noted and credit shall be given to the holder of the TK and the First Nation from which it came » /   « Les sources d’information sur les CT doivent être référencées dans tout travail effectué. (…) Toutes les informations recueillies doivent être dûment notées et le crédit doit être accordé au détenteur des CT et à la Première nation dont elles proviennent ».

The Council of Yukon First Nations, Traditional Knowledge Research Guidelines A Guide for Researchers in the Yukon, 2000

Reconnaissance automatique de la contribution sous réserve de mesures en matière de protection de la confidentialité : « Sous réserve des exigences de confidentialité, les publications devraient reconnaître les contributions de toutes les personnes qui ont participé aux activités de recherche »

Association Universitaire canadienne d’études nordiques, Principes d’éthique pour la conduite de la recherche dans le Nord (3ème édition), 2003.

La reconnaissance de la qualité de co-auteur : « Any publication using TK must acknowledge TK holders and their contribution and include TK holders as joint authors where appropriate » / « Toute publication utilisant les savoirs traditionnels doit reconnaître les détenteurs de savoirs traditionnels et leur contribution et inclure les détenteurs de savoirs traditionnels en tant que coauteurs, le cas échéant ».

The First Nations in BC Knowledge Network, A Template for the Development of Traditional Knowledge Policies, 2010.

Commentaires

Il ressort de la première approche (selon laquelle la contribution des participants doit être reconnue) une tendance vers des rapports égaux entre les chercheurs et les autochtones dans la mesure où la contribution des seconds doit être reconnue au même titre que celle des premiers.

Selon la seconde approche citée, la reconnaissance de la contribution des participants est le principe applicable. Seul le respect de la confidentialité peut alors remettre en question ce principe. Il s’agit d’une protection supplémentaire pour les participants qui ne souhaiteraient pas que leur nom soit mentionné.

La possibilité de la reconnaissance de la qualité de coauteur pour les participants autochtones constitue une manifestation de l’hybridation des pratiques et de reconnaissance de la contribution des autochtones au même titre que celle des scientifiques. Cette possibilité met ainsi en lumière une tendance vers des rapports égaux entre les chercheurs et les autochtones.

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Description

Ce thème fait référence aux règles applicables en matière de droits sur les données collectées au cours d’un projet de recherche.

Pourquoi est-il important de considérer ce sujet ?

À l’issue d’un projet de recherche, la question de la propriété des informations et données qui ont été communiquées par les communautés et leurs membres se pose. À qui appartiennent ces informations qui ont été mobilisés et analysés en vue de la production de résultats ? Le traitement de ce thème est de nature à contribuer à l’établissement d’un partage des pouvoirs de décisions entre les chercheurs et les autochtones dans la mesure où ces derniers conserveraient le contrôle sur ces informations et données.

Exemple de bonne pratique

« Les droits de toute information primaire recueillie auprès des informateurs Innu au cours d’une étude appartiennent à la Nation Innu. Les données relatives à l’utilisation des terres, aux connaissances environnementales des Autochtones et à toute autre forme de propriété intellectuelle ne peuvent être utilisées qu’après ententes spécifiques avec la Nation Innu ».

Innu Nation, Principes de recherche de l’Innu Nation, 1996.

Commentaires

Selon l’approche citée les chercheurs ne revendiquent pas ou ne disposent pas d’un contrôle absolu sur les informations détenues et communiquées par les participant.e.s autochtones. Ce contrôle revient aux communautés et à leurs membres. Il s’agit là selon nous d’une manifestation claire de l’établissement d’un partage de l’autorité et d’une approche visant à faire en sorte que les chercheurs ne puissent pas imposer leurs intérêts en ce qui concerne l’utilisation des données et/ou des résultats.

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Description

Ce thème fait référence aux règles applicables en matière de partage des droits entre les parties à un projet de recherche en ce qui concerne les résultats et les avantages qui en découlent.

Pourquoi est-il important de considérer ce sujet ?

Les résultats et les avantages découlant d’un projet de recherche peuvent intervenir dans certains cas plusieurs années après son commencement. C’est pourquoi il est essentiel de prévoir des dispositions de partage des droits sur les résultats et les avantages en amont de leur survenance et afin d’éviter les désaccords et tensions éventuelles lorsqu’ils se concrétisent. Les modalités de partage peuvent contribuer à un partage de l’autorité entre les parties notamment lorsque chacune d’entre elle est associé au processus d’octroi de droits en lien avec les résultats. Ce thème peut également contribuer à une plus grande hybridation des rapports entre chercheurs et autochtones par la mobilisation de modalités de partages originales.

Exemple de bonne pratique

Le partage des avantages découlant d’un projet : « Researchers will not exploit informants, or the information gathered from the research, for personal gain or aggrandisement. Where possible and appropriate, fair return should be given for participants’ help and services, which should be acknowledged in the final output » / « Les chercheurs n’exploiteront pas les informateurs, ou les informations recueillies dans le cadre de la recherche, à des fins de gain personnel ou d’enrichissement. Lorsque cela est possible et approprié, l’aide et les services des participants doivent être équitablement rémunérés, ce qui doit être reconnu dans le résultat final ».

University of Victoria Faculty of Human and Social Development, Protocols and Principles for conducting Research in an Indigenous Context, 2003.

Le partage des droits de propriété intellectuelle entre les acteurs autochtones et les acteurs universitaires : « Any research that is published will be held in joint copyright between the Lead Researcher, the participants, and the College on behalf of our ancestors and future generations » / « Toute recherche publiée fera l’objet d’un copyright conjoint entre le chercheur principal, les participants et le Collège au nom de nos ancêtres et des générations futures ».

Blue Quills First Nations College, Research Ethics Policy, 2004.

Conservation des droits au seul profit d’une partie, en l’occurrence les communautés autochtones : « Les Premières Nations considèrent que les collections de données, leur interprétation et les résultats de recherches qu’elles ont commandées ou financées sont leur entière propriété ».

Secrétariat de l’Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador, Protection de la propriété intellectuelle et de l’intégrité de la gouvernance stratégique des premières nations en matière de recherche, 2011.

Interdiction de dépôt de droits de propriété intellectuelle : « The Applicant will not, without the prior informed consent of the First Nation: (a) sell or claim rights to sell plants as herbal medicines or cosmetic products that were obtained as a result of the Traditional Knowledge Project » / « Le demandeur ne le fera pas, sans le consentement préalable et éclairé de la Première Nation : (a) vendre ou revendiquer des droits de vente de plantes médicinales ou de produits cosmétiques obtenus dans le cadre du projet sur les connaissances traditionnelles ».

Fnbc, Template traditional knowledge protocol, 2011.

Partage des redevances découlant de l’exploitation de résultats : « No monetary compensation will be given for participation, but we will turn over to the Secwepemc any financial profits accruing from the publication or use of the original information gathered, to be shared in an appropriate way with individual native elders) who contributed information » / « Aucune compensation monétaire ne sera accordée pour la participation, mais nous remettrons au Secwepemc tout bénéfice financier découlant de la publication ou de l’utilisation des informations originales recueillies, afin qu’il soit partagé de manière appropriée avec les aînés autochtones qui ont fourni des informations ».

Consent form in Bannister, Kelly Patricia, Chemistry rooted in cultural knowledge: unearthing the links between antimicrobial properties and traditional knowledge in food and medicinal plant resources of the Secwepemc (Shuswap) Aboriginal Nation, thèse de doctorat, University of British Columbia, 2000 [non publiée].

Commentaires

La première approche que nous avons décrite soit le principe général de partage des avantages constitue une approche intéressante, mais dont les contours demeurent néanmoins flous, en particulier en ce qui concerne les droits de propriété intellectuelle. Les expressions employées sont très proches des principes de droit international. Ce type d’approche pourrait potentiellement induire une tendance vers des rapports égaux.

Le partage des droits de propriété intellectuelle apparaît comme une démarche de partage de l’autorité en lien avec les produits de la recherche. Dans certains cas, les chercheurs vont jusqu’à concéder aux communautés et leurs membres la majorité des droits ce qui leur permettraient de toujours en conserver le contrôle. Les relations tendent alors vers des rapports égaux.

Dans le cadre de l’approche prévoyant la reconnaissance de droits de propriété intellectuelle au profit d’une seule partie (en l’occurrence les communautés et/ou leurs membres), les chercheurs abandonnent toutes velléités de contrôle des pouvoirs de décision quant aux produits de la recherche. Il s’agit là d’une approche particulièrement originale par rapport aux pratiques traditionnelles selon lesquelles les chercheurs conservent, voire concentrent tous les droits sur les produits de la recherche. Les chercheurs acceptent selon cette approche de remettre en cause profondément leurs privilèges. Ceci ne signifie pas que les chercheurs ne peuvent pas publier les résultats des recherches ou en retirer des bénéfices.

De la même manière que dans le cadre de l’approche précédente, lorsque les instruments étudiés prévoient une interdiction de dépôt des droits de propriété intellectuelle, les chercheurs abandonnent toute velléité de contrôle des pouvoirs de décision quant à une partie des produits de la recherche (ceux pouvant faire l’objet de droit de propriété intellectuelle). Il s’agit là d’une approche particulièrement originale par rapport aux pratiques traditionnelles selon lesquelles les chercheurs conservent tous les droits sur les produits de la recherche. Selon cette approche, il y a bien un partage de l’autorité entre les chercheurs et les autochtones au profit de ces derniers. Les chercheurs peuvent bien mener leurs projets et publier leurs résultats. Ils ne peuvent néanmoins pas déposer de droits de propriété intellectuelle sur ces résultats, à tout le moins sans le consentement des participant.e.s.

Enfin, en ce qui concerne l’approche prévoyant un partage des redevances, il s’agit d’une situation similaire à celle concernant le partage des droits de propriété intellectuelle. Les communautés, leurs membres et les chercheurs partagent ici l’autorité quant aux droits sur les redevances.

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PHASE 4
Transversal topics

Description

Ce thème fait référence aux mécanismes et procédures permettant aux participant.e.s d’un projet d’en suivre le déroulement et l’évolution.

Pourquoi est-il important de considérer ce sujet ?

Les projets de recherche peuvent se dérouler durant de nombreux mois voire de nombreuses années. Comme nous l’avons déjà souligné, de nombreux évènements peuvent survenir et les participants peuvent avoir des questionnements ou des besoins qu’ils peuvent vouloir exprimer. L’existence de mécanismes de suivi au cours des projets peut alors être primordiale pour répondre à ces situations. Les mécanismes en matière de suivi des projets peuvent ainsi contribuer à renforcer la transparence des relations entre les autochtones et les chercheurs au cours des projets de recherche.

Exemple de bonne pratique

Mise en place de procédures de communication au cours des projets : « The researcher shall report on an ongoing basis to the Executive Director and the Research Steering Committee or designate on the development, planning, implementation and results of the research » / « Le chercheur fait rapport en permanence au directeur exécutif et au comité directeur de la recherche ou à son représentant sur le développement, la planification, la mise en œuvre et les résultats de la recherche ».

Noojmowin Teg Health Centre, Standard Research Agreement Form 1, 2003.

Création ou désignation d’institutions de suivi des projets de recherche : « L’équipe de recherche et la Première Nation/communauté s’engagent à collaborer entièrement durant le projet de recherche. Ils créeront un comité de recherche, composé de deux chercheurs et de deux représentants de la Première Nation/communauté afin de favoriser une communication fluide ».

Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador, Modèle d’entente de recherche, 2014.

Commentaires

Les deux types approches présentées sont de nature à contribuer à plus de transparence au cours des projets de recherche. Dans le premier cas, il n’est pas prévu d’institutions chargées du suivi, celui-ci repose uniquement sur des règles de communication entre les chercheurs et les communautés autochtones. En ce sens, la seconde approche semble plus élaborée dans la mesure où des institutions dédiées sont chargées de veiller au suivi des projets. Ces institutions peuvent aussi contribuer à l’hybridation des rapports en intégrant des représentants chercheurs et autochtones. La création ou la désignation d’institutions de suivi n’est pas nécessairement adaptée à tous les projets, en particulier les projets les moins complexes et larges (nous pensons par exemple aux projets de thèse qui peuvent n’impliquer qu’un.e chercheur.e.

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Description

Ce thème fait référence aux règles et mécanismes applicables en vue de la gestion des conflits qui peuvent émerger au cours d’un projet entre les parties impliquées.

Pourquoi est-il important de considérer ce sujet ?

Au cours des projets de recherche, des désaccords et des incompréhensions entre les participant.e.s et les chercheurs peuvent surgir. Les mécanismes de règlement des conflits sont des éléments susceptibles de contribuer à la gestion de ces situations. Ces mécanismes peuvent nous permettre d’observer la procédure de règlement des conflits ainsi que les acteurs ou les institutions impliqués.

Les approches retenues pour le règlement des conflits peuvent ainsi à établir un partage de l’autorité entre les chercheurs et les autochtones. Ces mécanismes constituent également des éléments qui peuvent favoriser une plus grande hybridation des relations entre les chercheurs et les autochtones, par exemple au travers de la composition des institutions chargées de traiter des conflits.

Exemple de bonne pratique

Désignation d’autorités autochtones pour le règlement des conflits : « It is be the responsibility of the Ktunaxa Treaty Council to monitor the implementation of the Code and to make decisions regarding its interpretation and application, as well as compliance with its provisions » / « Il incombe au Conseil du traité Ktunaxa de surveiller la mise en œuvre du code et de prendre des décisions concernant son interprétation et son application, ainsi que le respect de ses dispositions ».

Ktunaxa Nation, Ktunaxa Nation’s Code of Ethics for Research, 1998.

La création de mécanismes ad hoc dans le cadre des projets de recherche : « Should disagreement between some or all the parties arise over the performance of the Research Project, the concerns parties shall make all reasonable efforts to resolve the dispute amicably and in a respectful manner. If resolution is not possible, the concerned Parties will seek the advice of a mediator chosen by all of them ; in the event that they cannot agree upon a mediator, they shall each nominate one individual and those nominees shall select another individual who shall act as the sole mediator. If there are more than two Parties involved in the dispute, those Parties having similar interests shall nominate only one nominee, The Parties shall make all reasonable efforts to follow the advice provided by the mediator to resolve the dispute ».

« En cas de désaccord entre certaines ou toutes les parties sur l’exécution du projet de recherche, les parties concernées feront tous les efforts raisonnables pour résoudre le différend à l’amiable et de manière respectueuse. Si la résolution n’est pas possible, les parties concernées demanderont l’avis d’un médiateur choisi par toutes les parties ; dans le cas où elles ne peuvent pas se mettre d’accord sur un médiateur, elles désigneront chacune une personne et ces personnes choisiront une autre personne qui agira comme médiateur unique. Si plus de deux parties sont impliquées dans le différend, les parties ayant des intérêts similaires ne désignent qu’une seule personne, Les parties font tous les efforts raisonnables pour suivre les conseils fournis par le médiateur afin de résoudre le différend ».

Université de Montréal, le Centre hospitalier de l’Université de Montréal, McGill University, University of Ottawa et le Cree Board of Health and Social Services of James Bay, et The Cree Nation of Mistissini (corporation), the Whapmagoostui First Nation (corporation), Final Research Agreement for a Project on Hyiyiu Anti-Diabetic Plant Medicines, 2009.

Commentaires

L’approche prévoyant la désignation d’une autorité autochtone pour le règlement des conflits favorise un degré d’hybridation des relations entre les chercheurs et les communautés autochtones très fort. En effet, dans ces cas, les chercheurs adoptent des approches qui prennent en compte ou intègrent les procédures et institutions autochtones contrairement aux démarches classiques qui visent à traiter les différends selon les règles et les institutions de l’univers universitaire.

La création d’institutions et de procédures spécifiques pour les projets impliquant les communautés autochtones et leurs savoirs peut contribuer à une plus grande hybridation des rapports entre les chercheurs et les autochtones. Il convient néanmoins d’analyser en détail la composition et les règles de fonctionnement de ces organismes.

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Description
Ce thème fait référence aux règles applicables en matière de reconnaissance et d’application des cadres et normes autochtones au cours des projets de recherche.
Pourquoi est-il important de considérer ce sujet ?

Les acteurs des milieux autochtones ont contribué à la mise en place d’instruments d’encadrement de la recherche. Les acteurs des milieux universitaires ont également contribué. Plusieurs cadres issus de différents milieux peuvent donc potentiellement s’appliquer à un même projet. Dans ce contexte, la question de l’interaction entre ces instruments se pose : existe-t-il une reconnaissance des cadres autochtones par les cadres universitaires ? Ou ces derniers sont-ils considérés comme les seuls cadres applicables ? Dans le cas où il existerait une reconnaissance des cadres autochtones, des mécanismes sont-ils prévus en cas de conflits entre différents instruments ?

Il s’agit là de questions essentielles afin de déterminer si les cadres autochtones sont reconnus par les acteurs du milieu de la recherche et si ces derniers ont tendance à vouloir imposer leurs intérêts, règles et mécanismes : « Recognition by outside researchers of local ways of doing things is a significant step toward sharing decision making power and control in research and, some believe, fundamental to entering into a legitimate research relationshp » (Bannister and Barrett 2006).

Exemple de bonne pratique

« Les chercheurs ont l’obligation de s’informer des coutumes et des codes de pratique de la recherche pertinents qui s’appliquent à chacune des communautés visées par leur projet de recherche, et de les respecter » (…) L’absence, qu’elle soit perçue ou réelle, de codes ou de lignes directrices de recherche locaux et officiels ne dégage pas le chercheur de l’obligation de solliciter la participation de la communauté afin de connaître les coutumes et codes de pratique locaux de la recherche ».

Trois Conseils de recherche canadiens, Énoncé de politique des trois conseils (2ème édition), 2010.

Commentaires

Selon cette approche, les cadres autochtones doivent être respectés quelle que soit leur nature. Plus encore, les chercheurs doivent activement rechercher les cadres autochtones applicables. Cette approche contribue donc à une hybridation des rapports entre les chercheurs et les autochtones. Elle constitue également une manifestation d’un partage des pouvoirs puisque les chercheurs doivent respecter les cadres autochtones.

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Description

Ce thème fait référence aux règles applicables en matière de conflit entre les normes autochtones et les normes des chercheurs au cours d’un projet.

Pourquoi est-il important de considérer ce sujet ?

Au-delà de la reconnaissance formelle des normes et valeurs autochtones, la question qui se pose est de savoir si des principes, règles ou mécanismes sont prévus en cas de conflits ou de divergences entre les exigences des cadres universitaires et des cadres autochtones. Les mécanismes de gestion des conflits entre normes peuvent ainsi nous renseigner sur les velléités de domination des cultures en présence, et en particulier de la culture universitaire.

Exemple de bonne pratique

Les normes autochtones priment : « In cases where the ethical guidelines in this protocol are at variance with any other guidelines or laws, the guidelines set out in this protocol shall take precedence » / « Dans les cas où les directives éthiques du présent protocole sont en contradiction avec d’autres directives ou lois, les directives énoncées dans le présent protocole [autochtone] ont la priorité ».

Maliseet Nation Conservation Council/ Maliseet Nation Conservation Council, Maliseet Ethics Guidelines, 2007.

Les normes les plus strictes doivent prévaloir : « There may be differences between the Guidelines and the requirements of the Aboriginal community involved in a research project. In these situations, the more stringent requirements should prevail » / « Il peut y avoir des différences entre les lignes directrices et les exigences de la communauté autochtone impliquée dans un projet de recherche. Dans ces situations, les exigences les plus strictes devraient prévaloir ».

Instituts de recherche en santé du Canada, Lignes directrices des IRSC pour la recherche en santé chez les peuples autochtones, 2007.

Commentaires

Selon la première approche citée, les communautés revendiquent le droit au respect de leurs règles en cas de divergences avec d’autres sources. Cette approche contribue à établir des rapports plus égaux entre les cultures juridiques. Il s’agit d’une manifestation d’un partage des pouvoirs de décision (qu’il est demandé aux chercheurs d’accepter), mais également d’hybridation des relations, car il est demandé aux personnes extérieures de respecter les cadres autochtones, y compris en cas de divergences avec d’autres sources. Les chercheurs accepteraient alors d’adapter leurs pratiques. Dans la mesure où les communautés doivent pouvoir décider des conditions dans lesquelles leurs savoirs sont diffusés et utilisés.

Selon la seconde approche citée, il s’agit d’offrir la protection la plus large en fonction des cadres applicables à un même projet. De cette manière, la culture scientifique n’impose pas ses standards aux communautés, mais s’engage à s’aligner sur la protection la plus stricte. Dès lors, il est possible de considérer de ce point de vue que les lignes directrices des IRSC favorisaient une sociabilité de la convivialité dans le cadre des rapports entre les instruments universitaires et autochtones. En effet, nous observons une ouverture de la part des acteurs des milieux de la recherche qui ne prétendent pas détenir a priori les cadres de référence les plus adaptés et les plus protecteurs. Soulignons qu’un des enjeux que pose cette approche est celui de savoir qui est l’autorité habilitée à déterminer le cadre le plus strict.

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